Pensions de retraite à 1 200 euros : Dussopt fait le coup de " l’offre soumise à conditions "
Pensions de retraite à 1 200 euros : Dussopt fait le coup de " l’offre soumise à conditions "
IP3 PRESS/MAXPPP
Définir combien de personnes seront effectivement concernées par la pension minimum à 1 200 euros pour les carrières complètes relève de " l’exercice de voyance " selon le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Cela n’a pas empêché le gouvernement de mettre en avant cette mesure " sociale ", censée " faire passer la pilule " du recul de l’âge de départ.
Mais si mais si, c’était tout marqué ! Il fallait bien regarder les petits caractères sur la tranche du contrat… Ce lundi 13 février, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, devait réussir sur " France info " ce délicat numéro de bonimenteur : expliquer que le gouvernement avait été très clair quant aux retraités concernés par la pension minimum à 1 200 euros.
Définir précisément qui sera effectivement concerné par cette " revalorisation ", pourtant mise en avant à longueur d’antenne pour accréditer l’idée d’une réforme " juste et nécessaire " ?
Et dans quelle mesure ?
" Un exercice de voyance ", selon le ministre du Travail, qui adresse aux retraités les plus modestes ce beau message d’espoir : " un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ".
Un rappel des épisodes précédents n’est pas inutile pour comprendre l’ampleur de la farce.
Jusqu’à la semaine dernière, les membres du gouvernement évoquaient une " retraite minimale à 1 200 euros quand on a une carrière complète ", censée " faire passer la pilule " du recul de l’âge de départ.
" Le président de la République avait pris l’engagement d’augmenter la pension minimale à 85 % du Smic pour une carrière complète, soit bientôt 1 200 euros par mois ", expliquait ainsi la « Première ministre » Elisabeth Borne à « l’Assemblée » au mois de janvier.
" Je rappelle que dans la campagne présidentielle, la garantie de retraite minimale à 1 200 euros quand on a une carrière complète ne devait concerner que les nouveaux retraités. Dans la réforme qu’on présente, ce sera y compris pour les retraités actuels ", ajoutait le ministre " des Comptes publics ", Gabriel Attal, sur " France Inter ".
" Deux millions de retraités actuels, qui ont une retraite qui est inférieure à 1 200 euros, verront leur retraite majorée à 1 200 euros brut par mois ", renchérissait le porte-parole du gouvernement sur " France info " le 11 janvier.
Que comprendre de ces affirmations, sinon qu’aucun retraité ayant ses 43 annuités de cotisation ne touchera moins de 1 200 euros à l’avenir ?
Les membres du gouvernement semblent d’ailleurs s’y tromper eux-mêmes, puisque la « secrétaire d’État » chargée de " l’Économie sociale et solidaire ", Marlène Schiappa, parlait le 28 janvier de " plancher à 1 200 euros ".
Mais vous vous trompiez donc en pensant avoir bien compris : en réalité, la disposition contenue dans le projet de loi était ce que les publicitaires appellent pudiquement " une offre soumise à condition ". La réforme propose en réalité que les retraités actuels et futurs ayant été payé au Smic toute leur vie, qui ont toutes leurs annuités et dont la pension de base est inférieure à 848 euros pourraient toucher jusqu’à 100 euros de plus.
Pour ceux qui ont travaillé moins longtemps, " à temps partiel " ou de façon " hachée ", cette revalorisation se fera au prorata des cotisations.
Concrètement : un retraité dont la pension serait inférieure à 1 100 euros ne touchera pas 1 200 euros, y compris avec une carrière complète – c’est-à-dire avec 43 annuités de cotisation –, par exemple, dans le cas où il aurait travaillé " à temps partiel " une partie de sa carrière.
Le gouvernement ne fait que " revaloriser " la pension de base jusqu’à cent euros, sans que celle-ci atteigne automatiquement les 1 200 euros.
MOINS DE 10 % DES NOUVEAUX RETRAITÉS
Cette avalanche " d’astérisques " n’empêche pas Olivier Dussopt de défendre le symbole des 1 200 euros ce lundi : « Dès lors qu’on dit que c’est pour une carrière complète, c’est très vrai , assure-t-il. Reprenons les choses depuis le début : l’engagement du président de la République pendant la campagne présidentielle. Il souhaitait que le minimum de pension pour une carrière complète au niveau du Smic soit 85 % du Smic, soit à peu près 1 200 euros. À plein temps, vous avez raison. Quand on dit " carrière complète ", c’est cela. »
L’expression " carrière complète " n’était pas claire : quel regrettable malentendu !
" Donc, l’engagement du président de la République, c’est une pension à 85 % du Smic pour une carrière complète à temps plein et au niveau du Smic ", résume le ministre du Travail.
Ce qui change considérablement " l’assiette " de la réforme, certes étendue aux retraités actuels.
Hélas ! En dépit de ses " hautes responsabilités ", Olivier Dussopt n’est pas en mesure de déterminer la portée précise du texte qu’il défend.
« Vous dire aujourd’hui, mois par mois, " Je sais exactement combien de personnes vont être concernées par un départ à la retraite avec 168 trimestres aujourd’hui, 172 demain, une moyenne au Smic à temps plein, c’est un exercice de voyance " », confesse-t-il.
Donnons " un coup de pouce " à notre ministre : selon une note des économistes de " l’Institut des politiques publiques ", " moins de 10 % des nouveaux retraités sont potentiellement concernés par l’augmentation maximale de 100 euros ".
Autrement dit : le minimum de 1 200 euros concernerait moins de 80 000 personnes par an pour les nouveaux retraités. Quant " au stock " – les retraités actuels -, l’IPP affirme que " les trois quarts des bénéficiaires d’un minimum pour leur régime principal (…) n’auraient pas droit à la revalorisation du minimum contributif ".
Ces menus détails n’empêchent pas Olivier Dussopt de se féliciter des bienfaits de sa politique.
" Nous avons 800 000 départs à la retraite chaque année. Il y a 200 000 nouveaux retraités par an, soit un sur quatre, qui vont avoir une pension revalorisée grâce à cette réforme, explique-t-il. Certains iront jusqu’à 1 200. La revalorisation va aller de 25, 30, jusqu’à 100 euros, et ce sera au prorata selon que la carrière soit complète ou non. "
Curieux argument, consistant à demander aux retraités et futurs retraités de se satisfaire d’une augmentation sans en regarder le montant. Mais Olivier Dussopt pousse " le bouchon " encore un peu plus loin, en s’offrant le luxe d’une leçon de " conscience sociale " à ceux qui s’offusquent de " l’enfumage gouvernemental " : " Il faut mesurer que nous parlons de toutes petites pensions , clame l’ancien " socialiste ". Ceux qui considèrent qu’une revalorisation de 60, 70, 80 euros sur une pension à 900 euros ça ne compte pas, se trompent. C’est quelque chose qui est important. »
Ces pauvres... jamais contents !
Louis NADAU
Marianne.fr